Voici l'interview dans son intégralité
Une hirondelle qui fait le PrintempsLa salle de l’Espace Diamant encore vide, Emily Loizeau et sa troupe terminent les balances. Dans une ambiance aussi joviale qu’appliquée, les protagonistes s’adonnent aux derniers réglages sonores sur fond de
L’autre bout du monde, Fais battre ton tambour ou encore
I’m sorry that you cried.
Dans une poignée de minutes, le public franchira les portes du hall d’entrée. Pour l’heure, Emily nous consacre un peu de son temps et nous accorde sa seule interview de la semaine, tenant ainsi une promesse des plus informelles faite trois mois plus tôt.
Dans quel état d’esprit te trouves-tu à quelques minutes de monter sur une scène corse pour la première fois ?Disons que je suis à la fois contente parce que je vois la mer et, en même temps, très frustrée de devoir partir tôt demain matin. D’autant que c’est la première fois que je viens en Corse.
Le concert d’Ajaccio précède un gros événement : le Printemps de Bourges…Effectivement, même si je n’y vais pas pour moi mais dans le cadre d’un projet collectif avec d’autres chanteuses : les Françoises. C’est un groupe éphémère dans lequel je retrouve Olivia Ruiz, Camille, Jeanne Cherhal, Rosemary (de Moriarty) et La Grande Sophie. Chacune chante les chansons des autres. On a un peu la pétoche parce qu’on n’a pas eu le temps de travailler mais je pense qu’on va bien rigoler.
Parlons de Pays sauvage, ton deuxième album, paru il y a un peu plus d’un an. Grâce à lui, tu as remporté récemment le prix Constantin qui t’avait échappé en 2006. Sans aller jusqu’à parler de revanche, quel sentiment cela te procure-t-il ?Je suis contente même si je ne cours pas après les prix. Je ne fais pas ce métier pour ça. J’essaie de me tenir le plus loin possible de toutes ces considérations qui peuvent être nocives. Si on se focalise trop sur ces choses-là, on perd l’idée de base. C’est très antinomique avec les raisons profondes pour lesquelles on fait un disque. Mais évidemment, ça fait plaisir d’en recevoir un, a fortiori le prix Constantin. J’en suis très fière.
Ce deuxième disque est assez différent de son prédécesseur. L’autre bout du monde reposait essentiellement sur une structure piano-voix. Pays sauvage est, quant à lui, plus axé sur les percussions. L’évolution s’est imposée d’elle-même ?Pays sauvage est, pour moi, un prolongement du premier. Il y a d’autres tons, d’autres couleurs, mais la base est là. L’évolution s’est faite naturellement. Je me suis isolée et j’ai essayé d’être au plus près de moi, de mes désirs et de ce que j’avais besoin de dire.
Un disque est une photographie de ton état d’esprit au moment où tu l’écris. Et là, je ne voulais pas me tromper de photo. Je ne voulais pas prendre celle qui allait convenir à ceux qui avaient aimé
L’autre bout du monde.
Il y avait une envie d’être plus physique sur scène. De ne pas me trouver toujours derrière mon piano. J’avais envie de m’enrichir rythmiquement. J’avais le sentiment que j’allais vite me retrouver à tourner en rond si je ne faisais pas évolué mes compositions.
Le meilleur exemple de cette évolution reste Pays sauvage, la chanson. En 2007, tu l’interprétais seule au piano. La version de l’album est très différente, presque tribale…C’est vrai. J’étais en train d’écrire d’autres chansons et il fallait que
Pays sauvage, qui, pour moi, s’inscrivait comme un titre phare du futur album, se marie avec le reste sur le plan des arrangements. Au-delà de ça, on l’a jouée pendant un an et demi sur scène, seule ou en trio, et pour nous, il était hors de question de l’enregistrer telle quelle. On avait vraiment besoin de le rafraîchir.
Il y a toujours beaucoup d’invités sur tes disques. Tryo, Franck Monnet, Andrew Bird sur L’autre bout du monde. Thomas Fersen, Danyel Waro ou encore David Herman Düne sur Pays sauvage. Comment réunit-on tout ce beau monde ?De manière très simple. Je me suis rendue compte que ces chansons avaient quelque chose de très collectif dans leur âme. Je ne voulais pas simuler cet esprit de troupe. Je suis donc allé chercher des gens qui nous ressemblaient, avec qui je sentais une parenté évidente. Je pense à Herman Düne, aux Moriarty, à Danyel Waro et ses musiciens qui ont cet état d’esprit de partage très fort. A part Jeanne Cherhal, je ne connaissais personne plus que ça mais on est devenus très proches.
Le fait d’être allée au devant des gens, comme, par exemple, te rendre à La Réunion, pour enregistrer avec Danyel Waro, a peut-être facilité les rapports…Disons que je voyais mal Danyel enfermé dans un studio, à Paris. J’aurais eu peur qu’on lui enlève sa fraîcheur. Donc, on a profité d’aller jouer à La Réunion pour le rencontrer.
Ces invités montrent l’importance que tu accordes aux relations humaines. Comme les gens, ici, tu sembles tout aussi attachée à tes racines familiales. Sister, par exemple, est inspirée d’une histoire réelle…C’est une simple chanson d’amour que j’adresse à ma sœur (ndlr : la journaliste Manon Loizeau). Elle parle de la séparation vécue par une enfant de quatre et demi qui ne comprend pas pourquoi on repart sans sa sœur et qui trouve ça injuste pour celle-ci. C’est aussi une manière d’évoquer ce lien très fort qui existe entre frères et sœurs.
Ton expérience dans le théâtre influe-t-elle sur ton travail, aujourd’hui ?Oui, même si ce n’est pas une chose à laquelle je pense systématiquement. J’ai toujours eu besoin d’images. Ma maman est peintre, ma famille maternelle est dans le théâtre. L’image nourrit ce que j’écris, c’est vrai, et cela se prolonge jusque sur la scène.
Jusqu’à quand se déroule la tournée ?Jusqu’à la mi-mai. Ensuite, on va prendre un peu de repos (sourire) avant de se pencher sur l’écriture du prochain disque et probablement d’une bande originale de film.
Tu sais déjà à quoi va ressembler ce troisième album ? Des chansons sont-elles déjà écrites ?Non. Il y a des choses qui me viennent mais il est encore trop tôt pour en parler. J’ai hâte de m’y remettre mais je n’ai pas envie de me précipiter. J’ai envie de faire le troisième disque que je dois faire et ça demande beaucoup de maturation, je pense.
Dernière question : la chute de Voilà pourquoi est-elle toujours d’actualité selon toi ?Elle est encore plus, oui (rires).
C’est ton côté Dylan qui ressort ?Dans ce cas, il faut que je m’excuse auprès de Dylan.
Voilà pourquoi est un petit pied-de-nez sympathique. Je ne pense pas qu’elle change la face du monde. Les chansons de Dylan, elles, ont cela de puissant qu’elles ont ébranlé la bonne conscience réactionnaire et puritaine à une époque où cette dernière était très forte. Il a rassemblé des gens derrière des mots. Peu de gens l’ont fait. En France, Renaud a su le faire à une époque. A côté de ça, ma chute de
Voilà pourquoi est mignonne et reste, pour revenir à ta question, très fortement d’actualité (sourire).